Les belles histoires de l’été (épisode 02)

05 juillet 2024
Les belles histoires

AU DEBUT

Elle lui avait plu dès les premiers instants cette femme dynamique et solaire, dont l’assurance le rassurait. Et c’est probablement ce trait de caractère qui le conduisit sans trop réfléchir à lui proposer de partager sa vie. A cette époque, il n’avait pas compris que son vœux le plus cher était surtout de trouver un espace sécurisant où il pourrait oublier. Oublier qui ? Un voile planait sur ce mystère dont il ne parlait jamai

Gilles n’avait jamais osé avouer à son épouse d’où lui venait cet air perpétuellement absent. Elle s’en était souvent agacée mais comment aurait-il pu lui avouer la vraie raison de son désintérêt sans la blesser ? 

AU MILIEU

De leur union naquit une fille, aussi vive et enjouée que sa mère. Les années ne firent qu’accentuer cette similitude et renforcer une complicité dont Gilles était exclu. Lorsque leur fille fut en âge de voler de ses propres ailes, Gilles sentit l’étau se resserrer. Et c’est à ce moment précis que la vie décida de lui donner une nouvelle chance. 

Dans un sursaut d’indépendance, sa femme lui annonça un soir au dîner qu’elle le quittait. Comme à son habitude, il resta muet, tétanisé à l’idée d’occuper seul cette grande maison remplie de souvenirs. Lorsqu’il vit le camion de déménagement quitter l’allée, quelques semaines plus tard, il sut que sa vie allait irrémédiablement changer.

Un matin, alors qu’il prenait son café, le facteur sonna à la porte et lui tendit son courrier ainsi qu’un pli recommandé qu’il ouvrit fébrilement avant de retourner s’asseoir d’un air las. Les yeux rivés sur le jugement de divorce, il mit quelques minutes à remarquer une enveloppe bleue qui dépassait du paquet. A la vue de l’écriture ronde et déliée qui avait rédigé l’adresse, un frémissement parcourut son échine, ranimant d’un seul coup son corps fatigué. Le cœur battant, il déchira maladroitement le soufflet et extirpa une feuille pliée en quatre d’où s’échappa une petite chaînette en or gravée qui vint s’échouer sur ses doigts.

Sous l’effet conjugué de la surprise et de l’émotion, Gilles sentit sa poitrine se gonfler démesurément. Il ouvrit la bouche pour laisser l’air s’en échapper, comme un nageur reprenant son souffle après une longue apnée. ELLE lui avait écrit !

A LA FIN

Ce matin de septembre, sur le quai de la gare, quelques voyageurs attentifs remarquèrent, amusés, un vieux monsieur habillé avec soin dissimuler dans son dos un énorme bouquet. Lorsque le train entra en gare, le cœur de Gilles commença à faire des bonds inquiétants dans sa poitrine. J’espère qu’il va tenir, songea-t-il, inquiet à l’idée de s’effondrer au moment précis où il recommençait enfin à vivre. 

Puis il la vit descendre du train et le chercher du regard dans la foule, comme on agite une boussole pour retrouver son chemin. Sa longue jupe dansait autour de sa silhouette gracile et cette scène, lorsqu’elle se dirigea vers lui avec le sourire d’une jeune fille, sembla sortir tout droit du scénario d’un film. 

Ce fut magnifique d’observer ces deux corps se soutenir mutuellement dans une étreinte passionnée et leurs solitudes s’incliner devant leur amour retrouvé. Ce fut encore plus beau de les voir s’embrasser dans le tonnerre d’applaudissements qui résonna sur le quai. 

BLEU ENCRE, Anita Hochstetter

Les belles histoires de l’été (épisode 01)

29 juin 2024
Les belles histoires | Storytelling

C’est l’hiver et ce soir-là, elle n’a aucune envie de quitter son appartement. Elle sort d’une convalescence de plusieurs mois et rechigne à l’idée d’affronter l’agitation nocturne. Il faut toute la persuasion de l’amie venue lui rendre visite pour la convaincre de se mettre en mouvement.

La musique emplit ses oreilles et réveille son corps tout juste remis d’une opération compliquée. La première fois qu’il s’approche d’elle, elle le rembarre sans ménagement. Elle l’a vu danser avec d’autres et en déduit qu’il cherche à s’amuser. Ce n’est pas ce qu’elle cherche, elle a besoin d’être choisie.

L’homme s’éloigne mais ne la quitte pas des yeux.  Un peu plus tard, il tente sa chance à nouveau. Allez savoir pourquoi, elle accepte cette fois de partager un verre avec lui. En apparence, tout les oppose. Pourtant, rapidement, une connivence imprévue s’établit entre eux. Avant de la quitter, il lui demandera son numéro.

C’est le printemps. Ils vivent ensemble maintenant. Elle prépare un examen qui la stresse beaucoup. Lorsqu’il rentre du travail, il cuisine afin qu’elle puisse étudier. Le matin, avant de partir, il dépose une orange bien en vue près de l’entrée, accompagnée d’un petit mot : N’oublie pas tes vitamines ma chérie !

C’est l’été. Autour d’eux, la nature ressemble à un écrin. Ce jour-là, ils longent une rivière à pied. – Viens, on traverse, lui dit-il ! Elle enjambe quelques pierres et le suit courageusement dans l’eau glacée jusqu’au moment où une crampe magistrale agrippe son mollet.  La douleur lui arrache une grimace et aussitôt, il revient sur ses pas et la hisse sur son dos. Elle le taquine sur sa force qui décline et ils manquent de tomber plusieurs fois entre deux éclats de rire.

C’est l’automne. Elle est triste et s’endort avec le bras de l’homme aimé autour d’elle. Ce bras qu’elle déplace délicatement parfois, parce qu’il pèse lourd et auquel elle s’accroche certaines nuits, lorsque les cauchemars sont de retour. Ce bras en forme de rempart contre la rudesse de la vie. 

C’est l’hiver à nouveau. Le rouleau compresseur des années a aplati sans ménagement leurs tranches de vie pour en faire de minces feuilles de papier sur lesquelles tout est consigné. Il faudra que je songe à les assembler avant que ma mémoire ne défaille, se dit-elle, sinon comment me souvenir de tout ce que nous avons partagé ? Ses doigts cherchent la main de l’homme aimé pour continuer à tourner les pages du présent avec lui.

BLEU ENCRE, Anita Hochstetter

Attendre d’être prêt.e

26 juin 2024
Chronique

Longtemps, j’ai attendu le bon moment, ce moment où je me sentirais enfin prête : à sauter le pas, à passer à l’étape suivante, à m’engager dans une voie plutôt qu’une autre, à défendre mes opinions, à placer des limites, à accepter de déplaire, etc,.

💡 J’avais le sentiment que cette attente était nécessaire.  

💡 Que ce n’était pas une perte de temps, ni une erreur.

💡 Qu’en continuant à attendre, je serais beaucoup mieux préparée. 

Puis un jour j’ai regardé les choses en face :

De quoi avais-je peur ? La vie m’offrirait-t-elle l ‘immunité le jour où je serais enfin prête ? Non, bien sûr ! En prendre conscience me fit saisir l’absurdité de ma pensée.

La vie est par essence imprévisible et c’est ce qui la rend si formatrice. Encore faut-il reconnaître cette notion d’impermanence et accepter que les situations et les personnes évoluent, avec ou sans notre consentement et qu’on y soit préparé ou non.

Je ne suis pas en train d’affirmer que prendre le temps de se perfectionner, d’observer une situation avant d’agir ou de différer une action sont inutiles. Je dis simplement que :

🔷  Lorsque l’attente sert à procurer un sentiment d’immunité, elle n’aboutit jamais au résultat désiré 🔷

Donc la prochaine fois que vous aurez envie d’attendre encore un peu ou d’attendre le bon moment, vérifiez que ce ne soit pas la peur qui soit aux commandes de votre vie.

BLEU ENCRE, Anita Hochstetter

Conseil d’administration

11 juin 2024
Entreprises

Imaginez une grande salle de conférence où un président salue personnellement les arrivants et où les discussions vont bon train. D’un ton léger, en petits groupes, on passe en revue la météo, l’économie ou la bronchite du petit dernier en avalant un croissant et le deuxième café de la journée. Sur la table, stylos, verres d’eau et documents attendent docilement qu’on se serve d’eux.  

A cette table s’assied soudain une femme discrète qu’on avait à peine remarquée et dont la capacité de concentration va s’avérer déterminante durant les deux ou trois prochaines heures. 

Cette personne, c’est la secrétaire du conseil d’administration. Mais en quoi cette activité diffère-t-elle du secrétariat classique que tout le monde connaît ? 

Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais préciser que si beaucoup d’entreprises ont un conseil d’administration, toutes n’ont pas un.e secrétaire. En effet, dans certaines sociétés, c’est parfois l’un des membres du conseil qui assume ce rôle pour des raisons de commodité (ou d’économie). Bonne ou mauvaise idée ? Je reviendrai sur ce point dans un prochain post. 

Mais retournons dans la salle où le président vient officiellement d’ouvrir la séance. L’ordre du jour sert de fil rouge et dicte les sujets à traiter sur lesquels chaque membre du conseil est invité à s’exprimer. Un coup d’œil jeté en bout de table vous fera remarquer que la secrétaire du conseil est la seule à se taire. Gardienne des décisions prises, aucun détail ne doit lui échapper.

Cette activité souvent mésestimée me plaît pour les qualités qu’elle requiert : 

🔹 L’intégrité : elle est indispensable pour garantir la confidentialité des informations.

🔹 L’impartialité et l’indépendance : elles annulent le manque d’objectivité provenant d’une position de subordination envers l’un des membres présents.

🔹 La capacité de concentration : elle facilite la synthétisation de thématiques compliquées.

🔹 La rapidité : elle est essentielle pour ne pas ralentir le cours de la séance.

🔹 L’endurance : elle assure une rédaction de qualité élevée, du début à la fin.

🔹 La flexibilité : elle permet de gérer efficacement les réorganisations de l’ordre du jour, qui sont fréquentes.

🔹 Le tact et l’assurance : ils permettent de formuler diplomatiquement une demande de précision pour éviter toute ambiguïté.

L’un des plus jolis compliments que l’on m’ait adressés est venu d’un membre absent à l’une des séances dont j’avais assuré le compte-rendu et qui m’a dit : 

« Votre procès-verbal était si complet qu’en le lisant, j’avais vraiment l’impression d’être parmi vous ! »

🔹 PS : Vous cherchez une secrétaire de conseil d’administration ? ou une rédactrice pour remplacer temporairement votre secrétaire du conseil ? Contactez-moi !

BLEU ENCRE, Anita Hochstetter

Ma paix intérieure n’a pas de prix !

05 juin 2024
Chronique

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été éduquée dans l’idée de l’effort à fournir. Si je travaille suffisamment dur, je serai récompensée. Et si ce n’est pas le cas, c’est que je n’en ai pas assez fait. 

Mais cette quête prend-elle fin un jour ? Et comment se fait-il qu’après avoir travaillé des années durant avec application, je sois toujours en quête de validation ?

D’où vient ce besoin de répondre aux attentes extérieures ?  Pourquoi vouloir être reconnu et valorisé ? Pour donner du sens à nos vies ? Ou plus simplement pour être aimé ?

En ce qui me concerne, c’est en passant du statut de salariée à celui d’indépendante que j’ai pris conscience de mon besoin d’approbation. Alors que cette nouvelle position hiérarchique aurait dû logiquement me simplifier la vie – puisqu’il m’incombait désormais de valider mes propres actions – c’est tout le contraire qui s’est produit. 

Alors j’ai décidé de reprendre l’histoire depuis le début, avec une personne dont c’est le métier *. Et grâce à elle, j’ai compris que ma responsabilité n’était pas d’en faire toujours plus, mais de comprendre ce qui me poussait à agir ainsi. 

J’ai appris à choisir et à laisser aux autres la responsabilité de leurs choix.

J’ai appris à faire confiance à mes ressentis, même si cela suscite de la désapprobation.

J’ai appris à prendre des décisions fortes, avant que mon corps ne prenne des décisions fortes à ma place !

Et curieusement, le monde ne s’est pas arrêté de tourner. Il a juste ralenti un peu, le temps que je retrouve mon axe. 

Souffrir pour réussir, ce n’est pas de la persévérance, c’est du temps perdu !  La paix intérieure n’a pas de prix. D’ailleurs elle ne s’achète pas. Elle se nourrit du respect de soi.

BLEU ENCRE, Anita Hochstetter

Atelier d’écriture 08.06.24 : La force de l’authenticité, concilier vulnérabilité et leadership.

02 juin 2024
Non classé

Je vous invite à découvrir, par des jeux d’écriture et de partage, comment concilier vulnérabilité et leadership, ces deux facettes que tout semble opposer et qui pourtant se complètent. Infos et inscriptions : anita@bleuencre.ch

Flyer : Atelier 8 juin – instagram

BLEU ENCRE, Anita Hochstetter

Vous avez un très grand leadership !

09 mai 2024
Chronique

Voici les mots qu’une personne a glissés dans notre conversation récemment.

Je l’ai regardée avec des yeux ronds, pour vérifier qu’elle ne blaguait pas, tout en laissant la phrase infuser en moi même si elle me semblait aux antipodes de l’image que je pensais renvoyer.

Malgré mes doutes et mes imperfections, quelqu’un de sérieux voyait donc en moi une qualité que je semblais posséder sans en avoir conscience. 

Si je n’avais pas fait preuve d’un état d’esprit positif ce jour-là, cette petite phrase lancée dans la conversation aurait pu s’évanouir dans la nature sans laisser de trace.  Mais j’étais attentive et ces mots ont provoqué « une éclaircie » …

Réaliser l’ampleur de ses barrières internes et de ses mécanismes de protection est un premier pas. Car à trop vouloir se protéger, on finit par par bloquer toutes ses actions. Or l’action est la clé pour acter le changement et aboutir au sentiment de fierté légitime d’avoir concrétisé ce qui nous semblait impossible.

Si j’aime accompagner les personnes dans l’écriture, c’est justement pour provoquer ce genre de déclic ! Je les écoute sans jugement, les vois douter de leur style, de leur façon d’écrire et même d’avoir quelque chose d’intéressant à dire. 

Et tout à coup je vois un regard s’éclairer d’un sourire et la JOIE inonder le visage de la personne en face de moi. Mes mots ont provoqué la fameuse ECLAIRCIE !

Dans ces moments-là, je sais pourquoi j’ai choisi ce métier et je repense à la petite phrase que l’on m’a offerte un jour et qui m’a donné le courage de m’élancer.

BLEU ENCRE, Anita Hochstetter

« J’ai toujours peur de ne pas trouver les mots justes ! »

16 avril 2024
Chronique

Cette phrase, je l’entends souvent et la première question qui me vient à l’esprit c’est pourquoi cette peur est-elle là ? 

POURQUOI est un mot que j’aime beaucoup, car en lieu et place de juger, il cherche à comprendre en nous invitant à regarder au-delà des apparences. J’utilise régulièrement cette forme de questionnement philosophique pour entraîner mon esprit à quitter les chemins balisés. J’aime aussi proposer ce type de réflexion dans mes ateliers d’écriture, parce qu’elle fait apparaître des éléments qui parfois, viennent un peu nous bousculer.

Exercice pratique :

– Pourquoi ai-je de la difficulté à trouver mes mots ?

– Réponse possible (il y en a d’autres) : Parce qu’on m’a toujours dit que j’étais nul en orthographe !

– Pourquoi ce jugement influe-t-il sur ma capacité à écrire ?

– Parce qu’il insinue le doute dans mon esprit.

– Pourquoi ce doute m’empêche-il de m’exprimer ?

– Parce que je crains d’être pris en flagrant délit d’incompétence !

– Pourquoi me jugerait-on incompétent ?

– Parce que le milieu professionnel ne valorise que la performance.

– Pourquoi chercher à être performant à tout prix ?

– Parce que cela rassure.

– Pourquoi la performance est-elle rassurante ?

– Parce qu’elle donne un sentiment de maîtrise.

– etc.. 

Je pourrais continuer mais je pense que vous avez saisi l’idée, qui consiste à toucher du doigt la vraie problématique, afin de trouver le moyen de la résoudre. Dans cet exemple, la personne associe écriture et maîtrise, ce qui la maintient prisonnière au lieu de l’encourager à oser.

Chasser vos doutes consistera à congédier le censeur (réel ou imaginaire) qui se penche sur votre épaule et vous susurre : « Ton texte est nul, tu n’as rien de valable à dire ». Car en réalité, vous avez beaucoup de choses à dire mais vous les taisez, de peur d’être jugé.

Dans les ateliers d’écriture que j’anime, chacun.e est le rédacteur en chef de ses propres sujets. Je veux dire par là que l’objectif n’est pas de produire des textes estampillés « parfaits » mais d’avoir la curiosité de les placer dans le réel pour voir l’effet qu’ils produisent. Le tout dans un espace totalement « safe » qui n’est pas là pour vous juger. Le seul risque que vous courez est de découvrir que vous avez bien plus d’imagination que vous ne le pensez. Et croyez-moi, ressentir cette émotion, c’est fou ce que ça libère comme énergie !

BLEU ENCRE, Anita Hochstetter

I have a dream

10 avril 2024
Chronique

Si cette phrase est devenue célèbre, ce n’est pas la conséquence d’un heureux hasard ou d’un alignement favorable des planètes. Non, si ces quatre mots ont réussi à traverser les époques, c’est parce qu’ils ont permis à des milliers de personnes de s’y reconnaître et d’espérer un avenir meilleur.

Pourquoi cet exemple ? Parce qu’écrire une phrase capable de marquer les esprits pourrait, à première vue, sembler à la portée de chacun. Mais tout en étant convaincue des infinies capacités créatives de l’être humain, je sais que c’est loin d’être un exercice aussi facile.

Résumer l’espoir en quelques mots nécessite sans aucun doute un patient travail de réflexion et une grande clarté mentale. Car c’est en analysant sans relâche nos mouvements les plus intimes que l’on apprend à discerner les variations de rythme du monde qui nous entoure.

J’aime beaucoup la vision de Colette qui recommandait « d’écrire comme personne avec les mots de tout le monde ». Je suis aussi sensible aux métaphores, comme celle de la fleur de lotus qui fleurit dans la vase et qui, par sa beauté, est capable de transformer votre vision de la boue. Car c’est bien là, dans la boue de la vie, que vous devrez plonger vos doigts si vous voulez que l’on se souvienne de vos mots. 

Avoir passé beaucoup de temps à éclairer mes zones d’ombre me permet aujourd’hui de créer de la beauté là où règne la dysharmonie. En d’autres termes, d’écrire avec fluidité ce qui vous vient à l’esprit. Il paraît qu’on appelle cela sa « zone de génie ». 

Et vous, quelle est votre zone de génie ?

BLEU ENCRE, Anita Hochstetter

L’histoire de Fleur

25 janvier 2024
Storytelling

Je fais sa connaissance dans l’un de mes ateliers d’écriture. Appelons là : FLEUR.

Fleur est élégante, féminine et habillée avec soin. Ses yeux sont clairs et son regard est franc. Lorsque je lui demande ce qui l’a motivée à assister à mon atelier, elle m’explique qu’elle a souhaité faire plaisir à sa fille, passionnée d’écriture. 

Nous commençons à travailler ; je propose différents exercices, que moi aussi je réalise, Mon approche est bienveillante et intuitive. Mon objectif :  favoriser l’expression personnelle dans un espace où les membres se soutiennent et s’inspirent mutuellement.

Au début, Fleur remplit son petit cahier d’une écriture régulière et penchée, comme une petite fille appliquée.  Lorsqu’elle a terminé, elle me regarde avec un air de défi, l’air de dire : Vous voyez ? J’ai déjà terminé !

Vient le moment où nous partageons nos écrits. Fleur écoute les participants lire leur texte et lorsque vient son tour, elle s’excuse : 

– Je n’ai pas fait d’études comme ma fille, alors bien-sûr, je n’ai pas grand-chose à dire.

Je la rassure et lui explique que le but de l’atelier n’est pas de se juger et que nous avons tous des choses à raconter.  Alors, petit à petit, elle se détend et nous parle de son époux décédé qui lui manque tant, des amis qu’elle voit partir et du club de tricot qu’elle anime pour rester active.

Elle nous raconte la beauté de la nature, l’automne et ses couleurs, les guerres dans le monde et la chance qu’elle ressent d’être en vie pendant que d’autres perdent la leur.

Elle nous explique comment, chaque matin, elle établit son programme de la journée.

 – Vous comprenez, dit-elle, à mon âge, il faut trouver des raisons de se lever ! Je ne vous l’ai pas encore dit, mais vous l’aurez sans doute deviné : Fleur n’a plus 20 ans depuis longtemps.

Le dernier jour de l’atelier, Fleur m’apporte un petit cœur multicolore tricoté de ses mains, emballé dans une boîte en carton qu’elle a confectionnée.

 – J’en offre souvent aux gens dans mon quartier, me confie-t-elle, et ils sont toujours très touchés.

Emue, je le suis moi aussi. Je regarde Fleur s’éloigner et je songe aux rythmes de la nature. Notre vie lui ressemble, elle a ses saisons et ce n’est pas parce que l’hiver est là que la terre n’a plus rien à offrir. Au contraire ! Comme le fait si bien Fleur, la nature met à profit ce temps de jachère afin d’offrir à d’autres l’occasion de grandir.

BLEU ENCRE, Anita Hochstetter

Photo Instagram @seemyparis

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